jeudi, 28 mars 2024|

1 visiteurs en ce moment

 

Retour sur la COP 21

Synthèse et analyse de la COP 21 par Alain Vandevoorde des Amis de la Terre

Un accord attendu de longue date. Cet accord Onusien adopté à Paris est le 1er accord mondial, où 189 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de GES Il aura force de loi dès qu’il sera ratifié par plus de 55 pays, représentant plus de 55% des émissions de GES mondiales, et son entrée en vigueur ne démarrera qu’en 2020. Un temps précieux a été perdu à la réalisation de cet accord qui devait succéder au protocole de Kyoto qui s’est achevé fin 2012 et n’engageait que les seuls pays riches. Et pourtant le GIEC n’a pas arrêté d’alerter les pays de la gravité de la situation, et de la nécessité urgente de réduire de manière significative les émissions mondiales, et cela avant 2020. Et pourtant aucune sanction n’est prévue pour les mauvais élèves qui gardent la possibilité de quitter l’accord trois ans après son entrée en vigueur.

Contenir la hausse du réchauffement en dessous de 1,5° d’ici 2100 Il s’agit là de l’objectif phare de cette COP, qui a largement été mis en avant par les médias et vise à accréditer l’idée qu’enfin on s’attaque avec force aux vrais problèmes. Cet objectif résulte d’une demande pressante de nombreux pays du Sud, qui subissent de gros dégâts consécutifs à des phénomènes extrêmes de plus en plus fréquents et violents. Il s’agit hélas d’un voeu pieu sans moyens. Alors que la sortie des énergies fossiles pour basculer vers les renouvelables se situe au coeur de la problématique, rien n’est dit sur ces sujets. Aucun objectif, ni date ne sont fixés à ce jour en matière de désinvestissement des fossiles, ni en terme de développement des énergies renouvelables. Cet accord est même en recul au regard de Copenhague (2009) concernant les émissions liées aux transports maritimes et aériens, dont les émissions ne sont toujours pas prises en compte à ce jour. Le contraste est considérable entre l’objectif affiché et les moyens d’y arriver. Il porte la signature des lobbies et pays pétroliers, qui ne veulent rien changer et ont pesé de tout leur poids à cette conférence. Selon différents scientifiques, pour arriver à cet objectif de 1,5°, il faudrait dès à présent, sans attendre 2020, réduire chaque année nos émissions mondiales de 7 à 8% minimum. Nous en sommes loin. Les différentes contributions volontaires des états nous mènent sur une trajectoire d’environ 3°, bien supérieure à ce que peuvent supporter les écosystèmes, base de la vie. Une révision tous les 5 ans ainsi qu’un suivi des engagements de réduction volontaire des états a été décidé. Le 1er point d’étape se fera en 2025, une date bien trop tardive eu égard à l’urgence d’engager des réductions importantes d’ici 2020.

De la neutralité des émissions L’article 3 de l’accord fixe également comme objectif d’arriver à une neutralité des émissions après 2050. Que se cache t-il derrière cette formulation ? Tout d’abord, nous devons tendre à arriver à zéro émission en 2050. Tout report au delà de 2050 nous fait prendre le risque de ne pas atteindre l’objectif de 1,5°. En second lieu, le terme de neutralité ( par le jeu des plus et des moins) s’appuie sur différents concepts, tels les puits de carbone1, or ces derniers peuvent diminuer, et demain re-larguer du CO2, ce qui s’est déjà produit lors d’épisodes caniculaires. Cette neutralité permettrait également de continuer à poursuivre l’exploitation des énergies fossiles, et sous entend que les excédents de carbone pourraient être retirés de l’atmosphère par des systèmes de géo-ingénierie et de captation du carbone à grande échelle (enfouissement dans le sous-sol).

Pays du Sud et droits humains La reconnaissance des droits humains est la grande absente de cet accord. La notion de sécurité alimentaire a même été combattue et remplacée par le terme« production » . Cette formulation ouvre la porte à toutes les dérives possibles (OGM, agriculture industrielle, huile de palme ….) déjà mises en oeuvre aujourd’hui, qui aggravent la situation des populations, et ont de lourds impacts sur les écosystèmes et le climat. Les droits des peuples indigènes ne sont toujours pas reconnus. L’expropriation des terres, les exploitations forestières, d’énergie fossile ...ont de beaux jours devant eux, qui chassent de plus en plus de populations de leurs terres. Le fonds vert décidé à Copenhague et destiné à aider les pays du sud à faire face aux conséquences du changement climatique (fonds pour l’adaptation) et devant entrer en vigueur en 2020, continue de poser problème. Le financement annuel de 100 Milliards par an n’est garanti que d’ici 2025, et le flou demeure pour au delà alors que les dégâts causés par les changements climatiques risquent de considérablement augmenter dans les pays du sud, déjà les plus durement touchés. Les pertes et dommages, notion acquise de dure lutte par les pays du Sud lors de la COP19, restent une formule vide. En effet, les textes adoptés ne prévoient toujours pas de compensation. Aucun financement par les pays riches n’a été décidé, alors qu’ils portent une responsabilité historique en terme d’émissions, et ont de ce fait une dette climatique. Pire, la décision de l’accord précise que « l’article 8 de l’accord ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation » (paragraphe 52).

Conclusion Concrètement, au regard d’une analyse fine des textes, et contrairement à ce qui a été dit par la France en fin de COP, cet accord n’est pas « différencié, juste, durable, équilibré et juridiquement contraignant »  Plus que jamais, il appartient aux mouvements citoyens de se faire entendre, afin de créer un puissant rapport de force qui s’appuie sur les populations. Seul un tel mouvement sera capable d’obliger nos responsables à prendre les décisions urgentes qui s’imposent afin que nous puissions vivre simplement et en paix sur cette terre. Etant 1000 fois plus nombreux que les décideurs et manipulateurs, nous avons la capacité de mener ce combat difficile.

Le 16 Décembre 2015, Alain Vandevoorde

1 Eco-systèmes capables d’absorber du carbone, tels les forêts, l’océan, les tourbières ...

 
A propos de adelfa.org
Ce site web est édité par l’Assemblée de Défense de l’Environnement du Littoral Flandres Artois, représenté par son Président, Nicolas Fournier. ADELFA Maison de l’environnement - 59240 Dunkerque Ce document est diffusé selon les termes de la license BY-NC-ND du Creative Commons. Vous êtes libres de (...)
En savoir plus »